Dès qu’aucun quota ne l’oblige, les femmes disparaissent du monde politique. Mais les mœurs sont-elles en train de changer ?
Nous avons aujourd’hui 40 % de femme à l’Assemblée nationale et nous sommes la 4e nation européenne en termes de parité. On a envie de dire « Enfin », mais aussi « encore un effort ». En réalité la politique reste machiste et paternaliste, et c’est un homme qui vous le dit. Quand on n’impose pas de quotas, les femmes se font évincer par les hommes. Et les femmes se censurent souvent elles-mêmes aussi face à la conquête des mandats et responsabilités. Le déséquilibre des charges dans les ménages, les inégalités salariales dans l’entreprise, la culture d’effacement des femmes qui se posent toujours la question du « suis-je légitime » pour cette fonction quand les hommes foncent sur la moindre responsabilité politique, tout cela participe d’une révolution de l’égalité homme-femme qui reste à faire. L’école, les partis en interne, tout est question d’éducation. Faire sauter les mécanismes de censure, éduquer aussi les hommes à l’égalité sans qu’ils voient les femmes comme une menace pour leurs positions acquises, mais une possibilité de rendre la vie politique moins violente.
Durant ces cinq dernières années, pensez-vous que le président Macron a suffisamment agi pour légitimer la place des femmes au pouvoir politique ?
Il est indéniable que le parti du Président, la République en Marche, a œuvré pour plus de femmes et plus de diversité visible à l’assemblée. Nous avons une ministre des armées femme même si la fonction de Premier ministre a été occupée par des hommes sous ce quinquennat. Il y a eu des avancées, mais il reste du travail.
Les revendications concernant les filles, les femmes et leurs droits vous semblent-elles suffisamment prisent en compte au gouvernement ?
Un thème s’est imposé : La lutte contre les féminicides et les violences faites aux femmes. On le doit surtout à des collectifs féministes qui ont mis l’accent sur la sinistre réalité de ces violences impunies. On parle d’un viol sur dix seulement condamné. On voit aussi chaque année plus d’une centaine de femmes assassinées le plus souvent par leurs proches ou conjoints. Et le harcèlement de rue est une calamité qui peut concerner toutes les femmes potentiellement. Honnêtement c’est la honte. Face à cette réalité, on a le sentiment que l’action du gouvernement n’est pas suffisante alors que l’égalité homme femme était décrétée « grande cause » du quinquennat. En étant juste, on voit cependant qu’il y a aussi des points positifs dans ce qui a été fait pour la PMA pour toutes, dans le délai d’allongement de l’IVG, dans la sensibilisation des policiers pour la prise en compte des plaintes des femmes. Nous ne pouvons nous dire une civilisation avancée si nous laissons autant de femmes mourir ou être maltraitées par des hommes.
Un jour, une femme présidente en France… serait-ce une réelle progression ?
Ce sera un symbole extrêmement puissant, c’est certain. Mais être une femme présidente ne suffit pas si on n’accompagne pas cela d’un projet progressiste. Margaret Thatcher a gouverné pendant une dizaine d’années la Grande-Bretagne et pourtant une forme de violence politique très forte a eu cour sous sa gouverne, notamment face aux mineurs en grève quand elle s’est montrée inflexible comme avec les grévistes de la faim de l’IRA. Je ne crois pas qu’il y ait une essence féminine qui miraculeusement rendrait la politique plus belle, plus honnête et moins violente. Mais il y a en revanche une culture du genre féminin, une façon d’être parfois qui peut rendre la politique moins verbeuse et faire baisser son degré de violence. Les hommes ont tendance à trop en faire, à en rajouter, et je trouve souvent les femmes plus économes de leurs mots, plus pragmatiques. C’est une manière de faire de la politique qui est rassembleuse par son efficacité. Les vastes effets de manche et les prouesses de tribune, si elles concernent hommes comme femmes, semblent davantage le fait du genre masculin. Nous sommes d’incorrigibles bavards pour le dire gentiment. Des machos accapareurs de pouvoir pour le dire plus clairement. Il serait temps de faire la place davantage aux femmes. Elles ont des choses à dire. Sinon, si nous ne faisons pas la place, de toute façon elles la prendront de grès ou de force et ce sera légitime.
Boris Faure est l'auteur de "Coups de casque, Essai sur la violence en politique" (VA Éditions).